Les défis de la mécanique

Dans l’article précédent, il était question des traditionnelles machines-outils à enlèvement de matière. Des machines certes conventionnelles et traditionnelles où pour faire bref, il s’agit de tailler la matière pour atteindre les dimensions de la pièce finale dessinée en un minimum de temps. Ici, je vais développer d’autres procédés dont le but est semblable mais où la façon d’y parvenir est quelques peu différentes, soit la création par l’adjonction de matière.

Tour - Décolleteuse - Fraiseuse - Electro-érosion - Tôlerie


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Création par la déformation - Les défis de la création - Le prototypage rapide - La stéréolithographie

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Création par la déformation

Abordons les machines capable de déformer la matière. Là, le matériau brut est sous la forme de larges plaques de fer. Ces tôles de différentes épaisseurs et de différentes dimensions sont grignotée par de multiples coup de poinçons. Ceux-ci par leurs différentes formes et par le déplacement de la tôle sous l’outil offrent toute latitude de découper la tôle selon la forme désirée. Ensuite lorsqu’il s’agit de modeler la tôle découpée, le mécanicien a recours à une plieuse. Celle ci sous la forme d’une guillotine permet en principe d’exécuter un pli à la fois. Celui-ci est déterminé par la forme des outils d’étampage. Cet outil appelé étampe est composée de deux parties : le poinçon (forme mâle) partie mobile placée en haut et la matrice, réceptacle de la tôle. L’ingéniosité réside dans l’imagination à exécuter une série de frappe donc de pliures successive pour finalement engendrer un objet. L’avantage de cette technique est d’être très rapide donc l’idéal pour produire de grandes séries. A titre d’exemple, il suffit d’imaginer les nombreuses opérations à effectuer pour fabriquer ne serait-ce qu’une simple fourchette. D’abord la découpe extérieure, avec le galbe du manche, les pointes acérées… Ce n’est pas si évident d’imaginer une étampe à suivre devant réaliser toute cette suite d’opérations puis d’être en mesure de produire nos fourchettes quotidienne à la cadence d’une mitraillette !

Certes ce type d’article de grande consommation n’est peut-être plus guère produit sous nos latitudes, car la valeur ajoutée est certainement trop faible. Toutefois la fabrication de ce type d’étampe recèle une bonne dose d’inventivité et surtout une précision et une fiabilité excellente et c’est justement là que la précision et le savoir-faire de nos polymécaniciens a de l’importance.

L’ancêtre d’une décolleteuse, soit un tour "automatique" à cames datant des débuts de l'ère industrielle. Ce doit être une machine de marque Tornos.

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Les défis de la création

Et bien souvent, avant la production d’une nouvelle gamme d’articles, le technicien doit être capable de partir sur de bonnes bases. Il devra bien souvent créer à partir d’un produit existant.

Ainsi on s’imagine aisément l’ingénieur, le technicien, l’expert en production ou encore le polymécanicien doit être capable de pratique le « reverse engineering » sans sourciller. Sous ce terme à la mode se cache l’appellation française ingénierie inverse ou encore rétro ingénierie qualifiant l’art de comprendre comment un produit a été réalisé. Il s’agit de l'activité qui consiste à étudier un objet pour en déterminer le fonctionnement interne ou encore sa méthode de fabrication. Autre objectif de cette technique est de fabriquer une copie d’un objet alors qu'on ne peut en obtenir ni les plans ni les méthodes de fabrication (soit le fabricant n’existe plus, soit le producteur est un concurrent). L’utilisateur de l’ingénierie inverse cherche parfois à copier un objet existant pour en modifier certaines fonctions, afin de ne pas violer le brevet du produit d’origine, ou plus simplement pour définir l’avance d’un rival puis d’en trouver une parade par l’adjonction d’une fonction supplémentaire.

Cette technique est assimilable à l’opération « copier-coller » de l’informatique, mais en matière de mécanique c’est un peu plus compliqué, notamment lorsqu’il s’agit de mesurer un objet en trois dimensions. Diverses méthodes existent, la plus classique restant la mesure par des palpages successifs des points remarquables de l’objet. La vision « laser » soit la mesure par un faisceau laser à lumière cohérente permet de mesurer par balayage la distance depuis un point fixe. Ensuite depuis un second point une deuxième série de mesure est effectuée et par triangulation il devient possible de connaître les coordonnées tridimensionnelles de chaque point. D’autres méthodes de mesure existent, notamment celle-ci. Une lampe projette un faisceau lumineux composé alternativement de bandes blanche (éclairée) et noir. Celles-ci sont observée par deux caméras vidéo positionnée intelligemment afin de superposer leurs deux vues et recomposer l’image virtuelle en 3D.

L’opération d’ingénierie inverser est l’art de comprendre comment un article a pu être réalisé. Cela ne doit évidemment pas se limiter à copier bêtement la pièce ainsi mesurée. Mais surtout déterminer les atouts de l’original et y retrancher ses éventuels défauts. La partie ardue étant de tenter d’éviter d’usiner des portions de pièces difficiles à réaliser. Et surtout ne pas tomber dans le travers d’imposer des tolérance hyper serrée. Ce sont souvent les constructeurs novices qui sombrent dans cette simplification, alors que le véritable défi réside dans la création de pièces simples. Car là un temps précieux de production puis d’assemblage est gagné. C’est souvent dans la conception même des assemblages ou pièces mécaniques à usiner que le travail en team s’avère le plus déterminant pour la réussite. En effet c’est souvent au moment de réaliser les programmes CNC que le polymécanicien s’étonnera de telle ou telle tolérance, difficile à atteindre. Ainsi l’homme de terrain devra dialoguer avec le concepteur et lui suggérer d’autres solutions, simplifiant l’usinage et le montage. Mais pour parvenir à cette symbiose il est nécessaire que le mécanicien connaisse le contexte de fonctionnement de la pièce qu’il doit produire.

L’ancêtre d’une décolleteuse de type suisse.
On distingue à gauche et à droite les burins.

Décolleteuse Tornos encore quotidiennement en fonction
dans une manufacture horlogère.

Le prototypage rapide

Sous ce terme se cache une technique récente offrant au concepteur une validation de son projet sous la forme d’une pièce unique qu’il peut palper et manipuler à loisir. Quoi de plus stimulant pour un développeur de pouvoir enfin soupeser son œuvre finale enfin réalisée… Certes les moyens classiques de création d’une pièce par usinage sont relativement rapide, toutefois le prototypage rapide comme son nom l’indique permet de réaliser un prototype de façon très prompte, c’est une sorte de modélisation informatique. D’ailleurs par abus de langage les machines qui le réalise sont aussi appelées des imprimantes 3D. Cela permet de réaliser très rapidement une validation d’un objet tant dans son allure que dans sa fonction.

Explication du procédé : une forme géométrie est tout d’abord conçue à l’aide d’un logiciel de CAO (Création assistée par ordinateur), ainsi un modèle numérique est créé que seul un écran peut reproduire dans sa profondeur en faisant tourner l’objet à l’écran.

Puis l’ordinateur découpe virtuellement cette forme en une multitude de couches ou de strates ne mesurant guère plus de 16 µm (selon www.zedax.ch) d’épaisseur. Puis dans une de ces imprimantes 3D pratiquant la dépose de résine par exemple déposera sur une surface plane chaque couche de résine (sorte de bougie liquide). Chaque couche est posée par passage successif tel un plotter X-Y faisant inlassablement l’aller retour, la buse dépose alors un fin filet de résine. Dès que la résine semi-liquide est posée elle se solidifie. A la fin de chaque couche, un passage d’une meule permet de calibrer très exactement la hauteur de la couche ainsi déposée. Ce procédé automatique continue jusqu’à ce que la pièce soit terminée.

On dispose ainsi d’un modèle en trois dimensions permettant de contrôler le design et la fonctionnalité de l’objet. Il est alors possible d’utiliser cette forme en résine pour en tirer une réplique en métal en l’utilisant comme modèle de fonderie.

Cette forme en « bougie » solidifiée est placée dans un coffret rempli de sable, bien tassé. Placé dans un four la résine est brûlée et il restera un espace creux qui sera ensuite comblé par du métal en fusion. Il faudra alors casser le moule en sable pour récupérer la forme en métal.

Rectifieuse Kellenberger en exploitation
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La stéréolithographie

Cette méthode de loin la plus rapide et précise est également une opération entrant dans le domaine du prototypage rapide. Une telle machine est composée d’un bac de résine synthétique liquide, pour faire court, nous abrégerons un peu l’explication... Ici les différentes couches sont successivement solidifiée par un laser qui parcours rapidement les strates et les solidifient. Ce sont donc là aussi une succession de couches 2D colée l’une à l’autre par polymérisation grâce à la chaleur du faisceau laser. Une autre méthode similaire permet de remplacer le bain de plastique liquide par de la fine poudre de plastique on appelle cela du frittage sélectif, car les petites boules de poudre sont réchauffées et par fusion elle se collent les unes aux autres pour former les parois. Cette méthode se nomme procédé laser par collage de grains dans une phase fusible.

Là aussi il devient possible de réaliser des pièces ayant des inclusions interne absolument impossible à réaliser d’une autre manière. Toutefois le prototypage rapide malgré cet inconvénient permet aisément de valider un ensemble avant sa mise en fabrication en grande série.

A propos de l'auteur

Suite à un apprentissage de polymécanicien « de précision » et des études d’ingénieur en microtechnique, j’ai pratiqué pendant quelques années le métier de constructeur sur «planche à dessin» et le conseil à la clientèle dans la vente de matériel didactiques pour les instituts de formation.

Puis après une étape de formateur en milieu technique, j’ai acquis quelques expériences lors d’un voyage d’un an autour de la planète bleue. Depuis 1991, rédacteur au magazine technique MSM Mensuel de l’industrie, et actuellement rédacteur en chef de cette même revue spécialisée.

JRG

Copyright: n'hésitez pas à copier ce texte, l'améliorer et à m'en envoyer une copie et bien évidemment avec les corrections et ajouts nécessaires... Merci d'avance

Jean-René Gonthier,
journaliste RP,
mécanicien de précision
ingénieur ETS en microtechnique
rédacteur en chef du magazine:
MSM Le Mensuel de l'industrie

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