Titre

Avant-propos
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9

Les interviews
Liens
Auteur

Entretien avec un patron du 21e siècle

 

David et Goliath, main dans la main

Goliath, c’est le groupe industriel Tornos à Moutier et David, c’est Almac S.A. à La Chaux-de-Fonds. Ce constructeur de machines de grande précision en pleine expansion qui a célébré en 2007 ses 20 ans d’existence, vient en effet de rejoindre l’an suivant le Groupe Tornos, pour apporter une impulsion décisive au développement de ses affaires sur le plan international, en tirant parti du dense réseau de vente et services mondial de ce fabricant de tours automatiques.

Le nouveau catalogue général d’Almac est très particulier. Il ne s’agit pas d’un «catalogue» de machines au sens habituel du terme, présentant une liste de machines en fonction de leurs caractéristiques et capacités. Et d’ailleurs ce n’est même pas un catalogue, c’est en fait un document qui peut être entièrement personnalisé en fonction d’applications précises. Il est structuré non pas par gammes de machines, mais par secteurs d’application. Et dans chaque secteur d’application, nous trouvons les différents métiers de ce secteur. Par exemple si l’on prend le secteur «Horlogerie», nous avons en liste les métiers suivants: fabrication de mouvements, fabrication de cadrans, habillage. Si nous retenons ensuite le métier «Habillage», nous découvrons les spécialités «usinage de boîtes» et «usinage d’attaches et de maillons». Sélectionnons par exemple la spécialité «usinage d’attaches et de maillons». L’index nous reporte à une page présentant une machine de base «Fraiseuse Almac FB 1005» pour l’usinage en barre d’attaches complexes. En fin de document, une pochette contient toutes les caractéristiques de la machine et celles des spécificités correspondant au cahier des charges du client. De la sorte pratiquement chaque machine qui sort de chez Almac est personnalisée en fonction des applications spécifiées par son utilisateur. Entretien avec Roland Gutknecht, directeur général de l’entreprise.

Machine Almac en fonction dans le secteur horloger.

Interview
Roland Gutknecht, ALMAC

Interview
Raymond Stauffer, TORNOS

Interview
Pierre Boschi

Almac a célébré en 2007 ses 20 ans d’existence en tant que société indépendante et maintenant vous venez de vous faire reprendre par le groupe Tornos. Souvent on voit des entreprises mal en point être reprises par une autre. Mais Almac se porte de mieux en mieux et néanmoins vous avez été absorbé par le Groupe Tornos. Quels sont les tenants et aboutissants de cette opération?

Roland Gutknecht :  Voilà un grand sujet à résumer. Almac a connu une croissance aussi forte que constante au cours de ces dix dernières années; en l’occurrence, une croissance du chiffre d’affaires supérieure à 300% de 1997 à 2008. Le carnet de commandes est plein et nous allons vendre cette année quelque 80 machines à commande numérique. Un record.

Nous sommes bien connus et implantés en Suisse et en particulier dans le secteur horloger de l’Arc jurassien, de Genève à Schaffhouse. Comme vous le savez, dans la branche horlogère, le marché se crée par lui-même, la publicité se faisant certes d’une part sur les stands de foires horlogères et d’autre part dans la presse spécialisée, mais aussi et surtout par effet de bouche à oreille. En ce qui concerne l’étranger, nous sommes renommés en Italie dans le Bergamasque, en particulier dans la région de Belluno, qui est en quelque sorte le sanctuaire des lunetiers de haut de gamme. Ces deux marchés, donc l’horlogerie et la lunetterie, forment ensemble plus des 80% de notre chiffre d’affaires, le solde étant constitué par des applications pour les industries microtechniques et médicales.

Or tout en continuant de faire évoluer nos activités dans les secteurs de l’horlogerie et de la lunetterie où nous avons une position dominante, nous devons envisager une expansion et songer à l’établissement d’un réseau de vente mondial pour évoluer également dans le domaine des applications de la microtechnique, de l’automobile et des techniques médicales, spécialités pour lesquelles la clientèle se situe essentiellement à l’étranger. C’est ce qui nous a conduits à nous approcher d’un constructeur suisse de machines ayant un réseau de vente et de services suffisamment important pour assurer une forte présence internationale. De fil en aiguille nous avons établi des contacts avec le Groupe Tornos et l’affaire s’est finalement concrétisée.

 

Comment s’est réalisée pratiquement cette opération?

R. Gutknecht :  Il y a eu en fait concordance d’objectifs, le nôtre étant la pénétration dans de nouveaux marchés au niveau mondial et celui de Tornos d’intégrer un constructeur de machines offrant des produits entièrement complémentaires aux siens, sans aucun recouvrement. En fait nous nous sommes regardés dans le blanc des yeux en nous disant: Mais nous sommes faits l’un pour l’autre!

En effet, Tornos produit des tours automatiques à commande numérique pour la production de petites pièces complexes et précises de forme générale cylindrique, alors que nous construisons des machines-outils à commande numérique également pour la production de petites pièces complexes et précises, mais de forme générale tridimensionnelle. Nos deux programmes de fabrication se complètent donc parfaitement et Tornos peut désormais proposer des solutions couvrant l’usinage de toutes les espèces de pièces précises de petit format, quelles que soient leur forme ou complexité.

           

Donc à part l’horlogerie et la lunetterie, vous serez rapidement confrontés à des marchés nouveaux, aussi bien du point de vue géographique qu’en ce qui concerne les secteurs d’application?

R. Gutknecht :  En regroupant notre programme de fabrication avec le sien, Tornos est à même de proposer à ses clients suisses et étrangers, comme je viens de vous le préciser, des solutions complètes pour ateliers de production, pas seulement pour le décolletage, mais aussi pour l’usinage des pièces à forme tridimensionnelle. En outre nous avons une grande expérience dans le domaine de l’usinage UGV et à haut degré de finition, par exemple le fini «miroir» au diamant sur des matériaux souvent difficiles ou très particuliers.

De notre côté, nous pouvons tirer parti avantageux de toute cette synergie de regroupement pour pénétrer dans des marchés internationaux, avec des applications dans des domaines autres qu’horlogers, par exemple l’équipement médical/chirurgical et dentaire, les secteurs automobile et avionique, l’instrumentation, la microtechnique en général et en particulier les capteurs, l’appareillage électronique… Ce sont des activités économiques à fort taux de croissance, qui nécessitent des composants toujours plus miniaturisés et donc avec une plus haute précision et de la finition plus poussée. Pour ne citer qu’un cas, songez par exemple aux minuscules servomécanismes que l’on trouve de plus en plus dans les automobiles.

Malheureusement jusqu’ici, bien que construisant les machines adéquates, il était très difficile de nous imposer dans ces marchés, car nous n’avions ni la capacité ni la possibilité d’être présents sur le terrain. Ce handicap va donc disparaître et nous pourrons peu à peu nous profiler dans les marchés internationaux grâce au réseau de vente et de prestations de services de Tornos.

 

Vous venez de parler d’états de surface très poussés. De quoi s’agit-il?

R. Gutknecht :  Actuellement, avec les progrès réalisés dans la vitesse de traitement des données dans les commandes numériques, nous pouvons réaliser l’interpolation dite «nanométrique», avec par exemple une définition de 0,1 microns en rythme UGV pour l’usinage de surfaces libres de grande précision dimensionnelle, ceci en vue d’obtenir un fini miroir qui supprimera toute opération ultérieure de rectification ou de polissage (opération qui se fait d’ailleurs au détriment de la précision géométrique). Donc une coûteuse reprise en moins et un abaissement du coût des pièces produites, pour une précision accrue. Mais une bonne commande numérique, même avec interpolation «nano» ne suffit pas. Il faut aussi que la technique de la partie mécanique soit en rapport.

A cet effet, nous proposons des machines qui sont à la fois rigides, rapides et précises. Elles bénéficient de toute une tradition en mécanique de grande précision. Par exemple, les coulisses sont grattées, ce qui permet d’obtenir une géométrie parfaite aux divers axes de la machine. En effet, toute imperfection dans la géométrie de la machine, ainsi que les vibrations provenant d’une rigidité insuffisante, se traduisent non seulement par une perte de précision générale d’usinage, mais aussi par une baisse des performances pour l’obtention d’états de surface poussés. Notre grande expérience dans le domaine horloger pourra donc sans autre être transposée dans d’autres domaines d’application.

 

Comment êtes-vous organisés du point de vue organisation et fonctionnement?

R. Gutknecht :  Nous sous-traitons entièrement l’usinage des composants mécaniques de nos machines et la réalisation des capotages dans des entreprises de la région. D’autre part nous acquérons des organes et éléments de machine chez des spécialistes, par exemple les broches de machines, les systèmes de vis à billes, la motorisation et l’asservissement, ainsi que les commandes numériques.

En revanche, en plus évidemment du développement des machines et leur équipement dans notre bureau d’études, nous réalisons l’assemblage complet des machines, l’adaptation et le paramétrage des asservissements et de la commande CNC, le contrôle géométrique de la machine et les essais, puis nous réalisons évidemment toutes les étapes de l’installation des machines, de la formation de l’utilisateur et du service après-vente. Nous avons d’ailleurs déjà des synergies avec Tornos au niveau du montage. Actuellement plusieurs monteurs de chez Tornos viennent suppléer à notre manque de main-d’œuvre découlant de l’accroissement constant de nos activités.

 

Quelles sont les caractéristiques conceptuelles des solutions d’usinage que vous offrez à vos clients?

R. Gutknecht:  L’accent est porté sur la personnalisation et le paramétrage des équipements additionnels, en fonction des produits à usiner. Il est rare de livrer des machines de base sans équipement additionnel. Selon la spécialité liée à l’application, la machine de base et son équipement sont définis. Par exemple, en visitant l’atelier vous avez vu des machines équipées pour l’usinage d’appliques métalliques pour cadrans de montres. Par analogie, nous pouvons aussi proposer des solutions similaires destinées à des secteurs non horlogers, pour lesquels des surfaces libres et à finition poussée sont requises.

Nous trouvons des fiches techniques pour des cas d’application concernant des matériaux autres que l’acier et le laiton: par exemple des aciers inoxydables, du titane, des matériaux extra-durs. Egalement pour des composants avec des formes délirantes, requérant une précision extrême et des états de surface poussés, ou dans d’autre cas encore, comportant des opérations spéciales visant à obtenir des effets de surface structurés.

>>  Pratiquement chaque machine qui sort de chez Almac est personnalisée en fonction des applications spécifiées par son utilisateur.  <<

Roland Gutknecht, directeur général d’Almac S.A.

Interview
Roland Gutknecht, ALMAC

Interview
Raymond Stauffer, TORNOS

Interview
Pierre Boschi

 

En visitant l’atelier, j’ai vu des applications très pointues dans le domaine de l’horlogerie, par exemple, une graveuse, une machine réalisant le perlage et une autre destinée à la fabrication d’appliques de cadrans. Quelles sont les applications les plus fréquentes?

R. Gutknecht:  Les applications actuelles les plus fréquentes ont trait à l’usinage de ponts et de platines. Vous avez évoqué quelques applications particulières. Je prends par exemple le cas du perlage. Il s’agit d’une opération destinée à réaliser des états de surface «bouchonnés» à effet décoratif sur les ponts, platines et fonds de boîtes. Tous les paramètres de la machine sont réglables pour adapter la force de l’outil spécifique (le cratex) en vue d’obtenir l’effet désiré, soit une parfaite régularité dans la répétition des motifs, ou au contraire une irrégularité voulue, simulant une opération menée manuellement. De même nous avons aussi des solutions d’usinage pour générer les fameuses «côtes de Genève». Ce n’est pas une sinécure de les réaliser sur une machine à commande numérique. Il y a aussi les solutions d’anglage dit «manuel». Dans ce cas, nous avons un outil-burin non rotatif au diamant monocristallin qui simule l’anglage manuel au burin. Il s’agit d’orienter constamment et de façon automatique le tranchant de coupe en fonction des variations géométriques de l’arête à usiner. En effet, l’anglage à la fraise ne suffit pas pour des produits haut de gamme, les traces de fraisage ne pouvant être tolérées.

Donc vous voyez l’étendue et la diversité des applications spécifiques. C’est aussi ce qui explique l’importance des effectifs dans notre bureau d’études, lequel est d’ailleurs doté de stations de travail avec des logiciels CAO performants, tels SolidWorks, lequel possède une puissance de paramétrage fabuleuse. Grâce aux possibilités du paramétrage, nous pouvons d’ailleurs réaliser toutes les variantes possibles d’équipements de production à partir de trois tailles de machines différentes en termes de capacités, pour la réalisation des cinq gammes de machines de base. Ceci nous permet de prévoir des composants communs à plusieurs gammes dans le but de réduire les coûts d’élaboration, ce qui se reporte finalement sur le prix de la machine laquelle, bien qu’entièrement personnalisée, est souvent d’un coût comparable à celui d’une machine standard sur catalogue comportant nombre de fonctionnalités inutiles pour l’utilisateur.

En revanche, l’utilisateur recevra une machine entièrement équipée pour ses besoins, réalisant l’usinage complet de sa production, sans qu’il doive envisager l’adjonction ultérieure et souvent aléatoire de dispositifs auxiliaires ou prévoir de coûteuses séquences de reprise. En effet, lorsqu’on multiplie les opérations de reprise, outre la perte de productivité, s’accroît le risque de pertes de précision et d’endommagement des pièces lors de leur manipulation entre opérations successives.

 

Pour terminer, une question que chaque fabricant d’horlogerie va certainement se poser: étant donnée la diversification des marchés en vue, n’allez-vous pas réduire vos activités dans le secteur horloger?

R. Gutknecht :  Dans le futur, nous serons de plus en plus souvent confrontés à d’autres métiers, comportant certainement des spécificités aussi variées que dans le domaine de l’horlogerie. Nous serons confrontés à d’autres techniques, à d’autres approches et mentalités d’utilisateurs. Nous sommes parfaitement conscients que nous nous trouvons à un tournant, je dirais même au début d’un tournant.

Toutefois une chose est certaine: nous n’allons pas nous lancer à corps perdu dans ces nouveaux marchés au détriment de nos activités dans nos marchés traditionnels que sont l’horlogerie et la lunetterie et qui ont établi au près et au loin notre réputation. On ne coupe pas la branche sur laquelle on se trouve! Nous considérons toujours ce secteur comme constituant un axe privilégié, qui continuera à se développer au même rythme que celui de nos applications futures dans les marchés non horlogers. Les deux développements se feront en parallèle. Mais tout cela posera assez rapidement la question de l’extension de nos capacités de fabrication, qu’il s’agisse d’équipement, d’effectifs ou de locaux. Les années à venir seront certainement mouvementées.

Dans l’atelier de montage d'Almac.

>>  L’accent est porté sur la personnalisation et le paramétrage des équipements additionnels, en fonction des produits à usiner.  <<

Roland Gutknecht,
directeur général d’Almac S.A.

1er cas
Lorsque le financement n’est pas au rendez-vous

2e cas
Lorsque la technique n’évolue pas

3e cas
Lorsque la technique et le financement sont au rendez-vous

Les trois fondateurs:
Petermann, Bechler et Mégel

Partenariat Tornos et Almac

Le Groupe Tornos vient de conclure un accord lui permettant d’acquérir 95% du capital d’actions de l’entreprise Almac S.A. (le solde étant détenue par la direction d’Almac) et 100% du capital d’Almatronic S.A., deux sociétés-sœurs basées à La Chaux-de-Fonds où elles occupent une quarantaine de collaboratrices et collaborateurs. Le chiffre d’affaires de ces deux entités a atteint quelque 17 millions de francs en 2007.

Programme de vente: centres d’usinage et cellules flexibles de 3 à 5 axes, fraiseuses de barres, perceuses de cadrans, perleuses, graveuses et machines CNC à décorer, machines transfert rotatives.

Almac est un constructeur de machines-outils à commande numérique pour l’usinage de pièces complexes de petites dimensions, notamment pour le secteur horloger. Almatronic, la société-sœur, est active dans le domaine des applications de commandes numériques et leur programmation. En fait son principal client est Almac.

Le directeur général d’Almac S.A., M. Roland Gutknecht, aux commandes depuis plus de 10 ans, reste à son poste. Il détient la part minoritaire (5%) du capital social.

Les deux sociétés Almac S.A. et Almatronic S.A. conservent leur individualité au sein du Groupe Tornos et restent à La Chaux-de-Fonds. Tous les produits Almac bénéficient d’ores et déjà du réseau mondial de vente et de services du Groupe Tornos.

Almac S.A. a fêté en 2008 ses 20 ans d’existence.

Adresse de l’entreprise :

Almac S.A.
Boulevard des Eplatures 39, 2300 La Chaux-de-Fonds
Tél. 032 925 35 50 – Fax 032 925 35 60
www.almac.ch  -  info@almac.ch

Paru dans l'édition 6/2008 du MSM Mensuel de l'industrie

Roland Gutknecht, directeur général d’Almac S.A.
Almac S.A. à La Chaux-de-Fonds.